Selon les informations du ministère camerounais du Commerce, le phénomène de siphonage du cacao camerounais par le Nigéria sévit depuis 30 ans, et a été renforcé depuis le début des revendications séparatistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun (crise anglophone), à la fin de 2016. Au cours de la campagne 2022/2023, environ 20% de la production nationale de cacao ont été vendus de manière non contrôlée; un volume qui a continué d'augmenter malgré « la suspension, à titre conservatoire et jusqu’à nouvel avis, des exportations du cacao camerounais vers le Nigeria », décidée par le ministère du Commerce pendant cette campagne. Cette instruction n'a pas endiguer ce phénomène.

En effet selon l'Office national du cacao et du café (Oncc), pendant la campagne cacaoyère 2023/2024, le Cameroun a exporté de manière frauduleuse 70 000 tonnes de fèves de cacao vers le Nigeria, ce qui représente 26,2% de la production nationale de cacao, qui s'élève à 266 725 tonnes. Un compte rendu de la 32e session ordinaire de l'Assemblée générale du Conseil interprofessionnel du Cacao et du Café (Cicc) présidée par le ministre camerounais du Commerce (Mincommerce) Luc Magloire Mbarga Atangana révèle ces chiffres. « Le ministre n’a pas hésité à pointer du doigt certaines pratiques frauduleuses, citant des chiffres d’exportation vers le Nigéria largement sous-estimés à 700 tonnes déclarés contre 70 000 tonnes réelles », lit-on.

Concernant cette campagne récente, le montant des fèves vendues de manière illicite représente 37,7% du total des fèves de cacao exportées par le Cameroun, représentant 185 613 tonnes.

Étant donné que les exportations de cacao ont généré 488,836 milliards de Fcfa pendant la période examinée, il est évident que le pays aurait subi une perte d'environ 184,291 milliards de Fcfa en raison de ces exportations illégales de l'or brun camerounais, comparé à près de 70 milliards de Fcfa pour 30 à 60 000 tonnes exportées illicitement lors de la campagne précédente. Une hausse estimée de 263,2% ; « un écart qui illustre l'ampleur du commerce informel et ses conséquences sur l'ensemble de la filière », selon le Mincommerce.

Le Mincommerce soutient que la production cacaoyère du Cameroun est continuellement siphonnée par ce pays voisin en raison du manque de transparence des transactions et de solidarité entre les acteurs de la filière. Pour mettre fin à cette stagnation et faire face aux divers défis structurels internes et aux pressions externes croissantes en matière de durabilité et de traçabilité, le Cicc a conclu un accord de partage des données de géoréférencement des parcelles cacaoyères et caféières, impliquant 6 opérateurs du secteur tels que Telcar Cocoa, Cargill, Ofi Cam, Sic Cacaos, Atlantic Cocoa, Neo Industry et le Fonds de développement des filières cacao (Fodecc).

L'accord conclu en marge de l'entrée en vigueur du nouveau Règlement européen sur la déforestation (Rdue) [qui interdira l'importation de cacao provenant de terres déboisées après le 31 décembre 2020] vise à fournir une cartographie précise qui permettra aux exportateurs de s'assurer que leurs produits respectent les normes européennes de durabilité afin de consolider sa position sur le marché mondial, de contrôler et de rentabiliser la production nationale, mais aussi d'augmenter les prix à l'exportation et la rémunération des producteurs qui pourraient être affectés par les nouvelles exigences en raison des coûts associés.