Le 18 juillet 2023, alors qu'il présidait la cérémonie de mise en eau du barrage de Nachtigal sur le site de Ndokoa près de Batchenga, dans le centre du Cameroun, le ministre de l'eau et de l'énergie, Gaston Eloundou Essomba a parlé de l'importance de cette infrastructure énergétique dans le secteur électrique du Cameroun et de sa participation à l'intégration économique avec les pays de la Cemac, en particulier le Tchad. En effet,  Gaston Eloundou Essomba lors de la conférence de presse post-cérémonie de mise en eau du barrage, dont la capacité totale de 420MW sera disponible à partir de septembre 2024, après que les premiers 60MW seront injectés sur le réseau en décembre 2023, a déclaré  que l’opérationnalisation de cette infrastructure énergétique « induira une augmentation de l’offre en énergie électrique dans le système national de 30%, une réduction des subventions liées à une surutilisation des combustibles et une réduction de l’empreinte carbone ».

 Au-delà de cette implication directe, « à moyen terme, avec l’effectivité de l’interconnexion entre la partie Sud et la partie Nord dès 2026, cet ouvrage va améliorer le taux d’électrification dans la partie septentrionale du pays. C’est le lieu de dire qu’au-delà de l’interconnexion Sud-Nord, le Cameroun sera interconnecté avec la République sœur du Tchad, probablement autour de 2027, étant entendu que les financements sont déjà mobilisés par les principaux partenaires que sont la Banque mondiale, la Banque islamique de développement et la Banque africaine de développement. Avec l’apport supplémentaire de Nachtigal dans le système électrique, le Cameroun sera donc en mesure de satisfaire cette demande extérieure de 150 MW », a ajouté le Ministre.

En d'autres termes, d'ici 2027, grâce au barrage de Nachtigal, le Cameroun pourra effectivement doubler la quantité d'énergie électrique dont la République du Tchad dispose actuellement sur le territoire national. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) affirme que le Tchad ne dispose que de 90 MW de capacité installée, selon son rapport 2020 sur l'accès à l'énergie en Afrique subsaharienne. Le Cameroun important une capacité supplémentaire de 150 MW à partir de 2027, le Tchad disposera d'un total de 240 MW, réduisant les délestages permanents dans les grandes villes du pays.

Cependant, pour y parvenir, le projet d'interconnexion des réseaux électriques Tchad-Cameroun, d'un coût total d'environ 262 milliards de FCfa (dont 184 milliards de FCfa par la Banque africaine de développement (225kV)) doit être mené à terme. A cet effet, Mbeumi Nyaknga, le directeur général de la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) du Cameroun, a lancé en décembre 2022 un appel d’offres pour le recrutement des entreprises pouvant concevoir, fournir et construire des lignes de haute tension (225 kV) dans le cadre de ce projet. La construction sera divisée en trois lots et sera achevée en un minimum de 15 mois et un maximum de 20 mois. Des prestataires de services sont tenus de construire les lignes Nachtigal-Yoko (180 km), Yoko-Tibati (141 km) et Tibati-Wouro Soua (193 km). Au total, c’est 514 km de lignes de transport d’électricité à construire, et la réception des travaux est prévue en 2025.

 L'exportation de l'énergie du barrage de Nachtigal vers le Tchad apportera beaucoup de revenus au Cameroun. Plus important encore, elle vise à générer des flux de revenus supplémentaires pour remplir son engagement envers la Nachtigal Hydro Power Company(NHPC). L'entreprise du projet Nachtigal NHPC devrait recevoir un paiement mensuel de 10 milliards de FCFA de la partie camerounaise une fois le barrage opérationnel. Pour rentabiliser cette infrastructure énergétique tout en favorisant la coopération économique Sud-Sud, le Cameroun veut aussi exporter sa production vers le pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria.

Le Cameroun rejoint des pays comme la Côte d'Ivoire pour une future entrée sur le marché de l'exportation d'électricité. Le pays d'Afrique de l'Ouest (avec 2 230 MW de capacités installées selon les chiffres de la Banque mondiale) est considéré depuis les années 90 comme l'un des modèles de développement des infrastructures énergétiques de l'Afrique subsaharienne et, selon la Banque mondiale, il exporte déjà environ 10 % de sa production d'électricité au Ghana, au Togo, au Bénin, au Burkina Faso, au Mali , au Libéria et d'autres pays d'Afrique de l'Ouest.