Péages automatiques: l'État du Cameroun résilie son contrat avec les Français Fayat-Egis
Dernière mise à jours il y'a 8 moisL'État du Cameroun a informé son partenaire de la résiliation du contrat de partenariat public privé (PPP) accordé au groupement français Fayat (Razel Bec) et Egis (Egis Projects) pour financer, concevoir, construire, équiper, exploiter et maintenir 14 postes de péage automatique sur certaines routes bitumées du pays.
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« J’ai l’honneur de vous faire connaître que le gouvernement du Cameroun a décidé de suspendre l’exécution dudit projet en mode PPP, en vue de sa mutation en un marché public pour son transfert en pleine propriété à l’État », peut-on lire dans une lettre que le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, a adressée, le 2 février 2024, à Philippe Serain, le président de Tollcam Partenariat SAS, coentreprise de droit camerounais créée par le groupement français (50% Fayat et 50% Egis) pour la mise en œuvre du projet.
L'État avait donc clairement décidé de retirer à Tollcam l'exploitation et la maintenance des 14 postes de péage automatique. Le financement, la conception, la construction et l'équipement sont désormais les seules responsabilités de l'entreprise dans le cadre de ce projet majeur. Des prestations pour lesquelles elle sera désormais rémunérée dans le cadre d'un marché public à conclure.
Le gouvernement revient donc à une option abandonnée après des études d'avant-projet détaillé (APD) menées depuis 2014, en raison de la complexité du projet et de la difficulté à obtenir des financements, selon un mémo publié par le ministère des Travaux publics (Mintp) en décembre 2020. En plus, les autorités camerounaises remettent en question un processus en cours depuis près de huit ans. Selon le même document, « sur la base d’une étude technico-économique à partir de l’APD », le projet d'automatisation des postes de péage routier a été admis au régime des contrats de partenariat le 5 avril 2016. Le Conseil d'appui à la réalisation des contrats de partenariat (Carpa), un expert de l'État en matière de PPP, l'a également approuvé sans objection et a reçu un avis favorable sur la soutenabilité financière du ministère de Finances (Minfi), qui cosigne également le contrat de Tollcam avec Mintp. Ce qui pose des questions sur les raisons de ce changement qui se produit alors qu'on attend la mise en service, depuis septembre 2023, des sept premiers postes de péage automatique déjà construits.
Le ministre des Travaux publics informe le président de Tollcam que la décision du gouvernement découle des résultats de la 14e session du Comité de suivi de la mise en œuvre du projet de construction de 14 postes de péage automatique, qui s'est tenue le 2 février 2024 à l'immeuble ministériel n°1. À la fin de la réunion, plusieurs participants ont pourtant expliqué que le retard accusé dans la mise en service des sept premiers postes de péage automatique était dû à la poursuite de « certains travaux ». Ce qui ajoute de la confusion sur les motivations du gouvernement. Approché, le ministère des Travaux publics, qui a initié le projet, s’est montré embarrassé par le déroulement des événements et s'est contenté de dire que la décision de muter le PPP en marché public n'est pas de son ressort, avant de la renvoyer vers l'endroit où elle aurait été prise. Il faut dire que dans ce département ministériel, certains responsables voient cette situation comme la victoire des opposants à l'automatisation des péages routiers, qui profitent du système actuel.
Selon des sources proches du dossier, le chef de l'État, Paul Biya, aurait en fait pris la décision de muter le contrat sur la base d'un rapport préparé par le secrétariat général à la présidence de la République. Ce dossier n'a pas été disponible, mais les informations indiquent que les loyers à payer au partenaire privé y sont mis en cause. Après un investissement de 42 milliards de FCFA, Tollcam devait payer des loyers annuels d'un montant total de 195 milliards de FCFA (TTC) au cours des 18 années d'exploitation prévues dans le contrat. « Il est incongru de payer une telle somme à un partenaire privé pour sécuriser la collecte et espérer accroitre les recettes du péage », commente un collaborateur du directeur général des Impôts, président du programme de sécurisation des recettes routières (PSRR).
Jusqu'à présent, le Mintp n'a pas détaillé les frais de loyer à verser au partenaire privé. Il a en particulier souligné qu'en maintenant le tarif du péage à 500 FCFA, les recettes combinées des 14 péages automatisés devraient atteindre 632,6 milliards de FCFA d'ici la fin du PPP en 2041. En versant 195 milliards de FCFA au prestataire privé, le Trésor public obtiendrait un bénéfice net de 437,6 milliards de FCFA (hors impôts, taxes et autres prélèvements), soit le double des 210,7 milliards attendus sur les 18 prochaines années si ces péages ne sont pas modernisés. Selon un document interne du Mintp, sur les sept premiers postes de péage automatique déjà construits, la réserve majeure porte sur l'intégrité de la connexion du système de collecte des recettes (paiements électroniques et espèces) au système central de la partie publique, permettant au Mintp et au Minfi d'avoir une visibilité en temps réel sur les recettes collectées. Tollcam avait jusqu'au 25 septembre 2023 pour lever cette réserve. Il est inconnu si elle a réussi à le faire.
Nous ne savons pas pour l'instant si l'entreprise détenue par le groupement français Fayat et Egis a déjà réagi à la décision du gouvernement de transformer les PPP en marché public. Selon le document envoyé par le ministre des Travaux publics, elle avait un délai d'environ huit jours pour présenter« des propositions concrètes (…) dans l’optique de faciliter la mise en œuvre rapide et amiable de cette orientation ». Pour répondre à cette correspondance, Tollcam devrait demander l'avis d'autres acteurs impliqués dans cette nouvelle orientation. Les partenaires financiers de l'entreprise (Société Générale Cameroun et Société commerciale de Banque Cameroun), ainsi que les garants de l'opération sont inclus.
Floyd Miles
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