Huit employés de l'hôpital général de Yaoundé ont été récemment arrêtés pour des soupçons de détournement de deniers publics à travers la falsification de documents comptables et l’anti-datage des opérations via le logiciel Ginfocis utilisé par le plus grand établissement hospitalier du Cameroun. C'est dans les locaux du commissariat central numéro 1 de Yaoundé qu'ils réfléchissent à leur sort. Les dommages économiques sont estimés à 110 millions de FCFA en seulement trois mois. Ce réseau démantelé est ainsi constitué : du responsable de la cellule informatique, du caissier principal, de trois caissiers secondaires et de trois agents de facturation. « On s’est rendu compte que plusieurs patients disposaient de factures physiques. Ils avaient donc payé à la caisse, mais ces paiements n’apparaissaient pas dans le système qui est pourtant informatisé. Le directeur général qui a évidemment accès au système a procédé à des vérifications qui ont révélé une inadéquation entre les montants payés par les patients, lesquels apparaissent sur les factures physiques, les montants versés et les remboursements », confie le Pr Vincent de Paul Djientcheu, un proche du Directeur général de l’hôpital.

Par ailleurs, la direction de cette formation hospitalière avait également constaté « une multiplication de prestations dont on ne retrouvait aucune trace, alors que l’hôpital est depuis engagé dans le tout informatique. C’est le cas, par exemple, à la morgue où plusieurs corps régulièrement enregistrés à l’entrée ont été levés sans laisser de preuve que la facture avait été réglée ».

La direction mènera alors une enquête interne impliquant le commissariat du 18e arrondissement à Ngousso, situé juste en face de l'hôpital général. Le 28 avril 2023, le chef du service informatique et la caissière principale sont arrêtés. Divers interrogatoires et exploitations des téléphones portables des suspects donnent rapidement aux enquêteurs des preuves accablantes. Au final, les suspects passent aux aveux et livrent six autres complices, qui sont arrêtés et détenus depuis le 2 mai après une deuxième plainte du directeur de l'hôpital. En effet, chaque activité frauduleuse dans un logiciel comptable traquée par les informaticiens du directeur général a pu détecter un détournement cumulé de 110 millions de FCFA au cours des trois derniers mois.

Le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn) Martin Mbarga Nguele, qui a été saisi par les hautes autorités de l'hôpital général, aurait lui-même ordonné le transfert de tous les suspects au commissariat central n°1. Ils y demeurent en garde à vue administrative. Une enquête préliminaire en cours débouchera sans doute sur le transfert de ce dossier au corps spécialisé des officiers de police judiciaire du Tribunal criminel spécial (TCS). Juridiction créée en 2011, elle connaît la plupart des affaires de détournement de fonds du pays dont les pertes économiques sont estimées à au moins 50 millions de FCFA.