Transports : Affaire Touristique Express, l’Etat camerounais n’a-t-il pas d’autres choix ?
Dernière mise à jours il y'a 1 ansLe monopole créé par le manque de structures publiques dans ces secteurs, la quasi-absence de modes de transport alternatifs...etc sont des raisons qui placent les autorités publiques en position de faiblesse pour exercer leur rôle de régulation.
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Suite à un accident d’un de ses bus ayant causé la mort de 15 personnes dans la localité de Garoua-Boulaï (région de l’Est), la compagnie Touristique Express, après cinq jours de suspension de toute activité de transport des personnes a repris du service sur toutes ses dessertes ce 15 mai sur fond d’autosatisfaction et de triomphalisme. La corporation des transporteurs a fait preuve d’une rare indifférence en pesant de tout son poids pour la réhabilitation d’un de ses membres influents, au détriment des familles des victimes qui n’ont même pas eu le temps de faire leur deuil. Officiellement, et dans une démarche empreinte de sensiblerie, le Groupement des transporteurs terrestres du Cameroun (GTT), dont le vice-président n’est autre que le promoteur de Touristique Express, a saisi par correspondance le ministre des Transports, Jean Ernest Masséna Ngalle Bibehe, le 12 mai, soit au lendemain de la décision de suspension de la compagnie, pour demander la levée de cette mesure qui obéissait pourtant à la « procédure normale prévue par la réglementation en vigueur en pareille circonstance », s’était défendu le ministre par l'intermédiaire de son service de communication contre les groupes de pression pro-Touristique Express qui l’ont sévèrement pris en grippe.
Sur fond de chantage politique, le GTT a défendu la restructuration de cette entreprise de transports « au regard de [sa] situation d’oligopole (…) dans le grand Nord en général et de manière singulière sur les corridors Nkongsamba-Kousseri et Bertoua-Kousseri », mais aussi « compte tenu de la nécessité d’encourager les entreprises citoyennes qui opèrent parfois sur des corridors accidentogènes et moins rentables à l’effet d’accompagner le gouvernement dans ses missions régaliennes, notamment l’offre de transport pour tous ses concitoyens », a écrit Ibrahima Yaya, le président de ce groupement, . Il n'a pas tout à fait tort surtout quand on sait que Touristique Express détient la plus grande part de marché sur les segments Nord-Sud et Sud-Nord, loin devant les très petites compagnies de transport Danay Express, National, Alliance, Mistral ou Narral qui sont des transporteurs de très petite taille.
La société Touristique Express gère un réseau routier long de plus de 1500 km et dessert six régions du Cameroun, notamment l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême-Nord, l’Est, le Centre et le Littoral. En 2022, la compagnie revendiquait le transport d’environ 2 millions de personnes. Il est à présent clair que son absence pendant un mois créera sans aucun doute le chaos, comme l’a soutenu le journaliste Guibaï Gatama, tant elle pourrait « laisser place à des transporteurs occasionnels qui, sans expérience dans le secteur et sur nos routes peu praticables, pourraient causer encore plus de torts aux voyageurs ». Le constat est clair : pour le moment, le gouvernement ne peut pas se permettre d'imposer des sanctions concrètes aux opérateurs peu scrupuleux du secteur des transports. Ce qui est dommage pour la population exposée.
Au-delà donc de l'affaire Touristique Express, c'est l'État qui est pris en otage par le secteur privé car, il n'a pas développé les modes de transport alternatifs et n'a pas suffisamment investi dans les infrastructures, notamment routières. Et cette réalité ne s'applique pas qu'aux régions enclavées. En effet, dans le secteur de l'aviation, la part des services intérieurs est encore très faible. Quelques vols, principalement opérés par la compagnie aérienne Camair-CO, sont chers pour la plupart des Camerounais, et la compagnie ne dessert actuellement que six des dix régions. L'axe Yaoundé-Nagaoundéré compte un train par jour, et les deux autres zones du nord ne sont pas encore traversées par un chemin de fer. Dans le Grand Sud, l'Intercity a repris ses activités avec deux voyages quotidiens sur la ligne Douala-Yaoundé en 2021, après une suspension de quatre ans en octobre 2016, suite à l'accident de train d'Eseka qui a fait des dizaines de morts et de blessés. Cela montre à quel point ces deux sous-secteurs sont délaissés en raison du manque de vision du gouvernement.
Face à cette réalité qui a accentué la situation de monopole du secteur privé, l’Etat se retrouve en position de faiblesse dans sa mission de régulation. Le rétropédalage de Ngalle Bibehe sur le dossier Touristique Express le témoigne à suffire.
Par ailleurs, après l'accident de Garoua-Boulai, le ministère des Transports a publié des informations critiques sur les excès de vitesse constatés uniquement sur l'axe Yaoundé-Douala du 1er mai au 30 septembre 2022 pour ce transporteur. Au cours de cette période, Touristique express a enregistré au moins 224 cas. La direction de l'entreprise a été saisie sur ces écarts de conduite de ses conducteurs. Sans plus, pourtant, ces violations auraient dû mériter des sanctions pour l'entreprise et même les chauffeurs. D'un point de vue global, ce laxisme des autorités sectorielles est un contributeur majeur aux dommages humains et matériels causés par les accidents de la route. Plus de 3 000 morts seront enregistrés sur les routes camerounaises en 2022, avec des dégâts économiques estimés à environ 200 milliards de francs CFA.
Floyd Miles
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