L'État du Cameroun a dû mettre en place une mesure incitative au profit des importateurs bénéficiaires des quotas d’importation sur une cargaison de riz de 190 000 tonnes à importer de l'Inde entre mars et avril 2024. Selon la cellule de communication du ministère du Commerce, il s'agit notamment de l'exonération du droit de douane de 5 %. Cette information a été révélée après une réunion de concertation entre Luc Magloire Mbarga Atangana, le chef de ce département ministériel, et les opérateurs économiques susmentionnés à Yaoundé le 21 février 2024.

L'exonération complète décidée sur cette quantité de 190 000 tonnes de riz indien a non seulement pour but de garantir la disponibilité de ce produit de grande consommation, mais aussi de contrôler le prix de cette denrée sur le marché local pendant ces temps d'inflation galopante, comme c'est déjà le cas avec la taxation du riz à un taux de droit de douane réduit de 5 % au lieu de 20 %. Selon les données de la Direction générale des impôts du ministère des Finances, le gouvernement camerounais se prive chaque année de 52 milliards de FCFA en dépenses fiscales telles que la réduction ou l'exonération des impôts et des taxes afin de garantir l'approvisionnement du marché en riz et la pratique des prix à la portée de la population.

Cependant, depuis quelques années, le discours gouvernemental se concentre sur la réduction, voire la suppression des dépenses fiscales sur les produits de consommation de masse tels que le riz, le poisson et le blé. Les subventions de ces produits sont à l'origine des pertes de recettes considérables; ce qui est de plus en plus insupportable pour le Trésor public. En effet, les pertes de recettes pour ces trois produits s'élèvent à près de 1 000 milliards de FCFA entre 2016 et 2022. De ce point de vue, la décision du gouvernement d'exonérer les 190 000 tonnes de riz indien du droit de douane à l'importation se veut paradoxale. En premier lieu parce que cette exonération s'applique à un produit spécifique et non à l'ensemble des importations de riz du pays, ce qui augmente les pertes de recettes de l'État sur un produit déjà sous-taxé (5% de droits de douane au lieu de 20%). Ce qui est susceptible de provoquer une concurrence déloyale sur le marché. Pour être plus précis, permettre à certains importateurs de faire venir 190 000 tonnes de riz en franchise de douane rend le riz indien plus compétitif en termes de prix aux consommateurs que tout autre riz qui n'a pas bénéficié de la même dérogation. Même si l'on peut supposer que le riz détaxé sera vendu moins cher que le riz taxé (au consommateur de choisir), il apparaît difficile, voire impossible, pour les contrôleurs des prix du ministère du Commerce d'empêcher que le riz détaxé soit vendu au prix du riz taxé une fois sur le marché, afin que les commerçants de toute la chaîne de distribution puissent gagner plus de marge.

Pour rappel, la cargaison de riz bénéficiaire de cette exonération découle d'une dérogation accordée au Cameroun par l'Inde, qui a interdit les exportations de riz blanc non basmati et brisure au Cameroun depuis le 21 juillet 2023. Les autorités indiennes prétendent que cette interdiction vise à « garantir » un approvisionnement « adéquat » des consommateurs locaux et à « atténuer la hausse des prix sur le marché intérieur ». Mais le 18 octobre 2023, le gouvernement indien a dû accorder un quota d'importation exceptionnel à sept pays (Cameroun, Guinée, Côte d'Ivoire, Seychelles, Philippines, Népal et Malaisie) pour un total de plus d'un million de tonnes, dont 190 000 pour le Cameroun. Il est évident que tous les pays africains qui ont bénéficié de cette dérogation, à l'exception des Seychelles, figurent parmi les dix premiers importateurs de riz indien du continent. Par exemple, 55,8% (soit 496 700 tonnes) des 841 500 tonnes de riz importées par le Cameroun en 2022 proviennent de l'Inde; apprend-on du rapport 2022 sur le commerce extérieur du Cameroun, récemment publié par l'Institut national de la statistique (INS). Grâce aux importateurs camerounais, ce pays d'Asie avait réussi à générer des bénéfices d'exportation de 147,6 milliards de FCFA.