La distribution géographique des plus de 2 millions de clients de la société d'électricité Eneo met en évidence de grandes inégalités en matière d'accès à l'électricité au Cameroun. En effet, d'après les informations fournies dans le dernier bulletin trimestriel d'information d'Eneo sur le service électrique au Cameroun, malgré une augmentation de près de 2% entre 2021 et 2023, passant de 65,4 % à 67,3 %, les trois régions du nord (Nord, Extrême-Nord et Adamaoua) sont les plus défavorisées en termes d'accès à l'énergétique.

Selon les informations du distributeur exclusif de l'électricité au Cameroun, ces trois régions ne représentent que 11% de son nombre d'abonnés. Cela équivaut à environ 220 000 foyers et entreprises en tout. Les abonnés au service public de l'électricité sont donc trois fois moins nombreux au Septentrion que dans les régions du littoral et du Sud-Ouest. Selon Eneo, ces deux régions représentent à elles seules  37% du nombre d'abonnés de la compagnie d'électricité.

Les régions du Centre, du Sud et de l'Est représentent également le triple du parc d'abonnés du septentrion, avec 35% des clients recensés sur son réseau par la compagnie d'électricité. La filiale du fonds d'investissement britannique Actis ne compte que 16 % de son parc d’abonnés dans les régions de l'Ouest et du Nord-Ouest. En se basant sur ces données, on constate que la partie sud du Cameroun, desservie par ce que la compagnie d'électricité nomme le Réseau interconnecté Sud (RIS), qui couvre sept régions, compte 89% des abonnés au réseau électrique, tandis que le Réseau interconnecté Nord (RIN) compte 11%.

Depuis quelques années, le gouvernement camerounais a lancé des projets d'électrification rurale et de construction d'infrastructures dans la partie du Cameroun, qui est également la plus pauvre du pays selon les données officielles. Le Projet d'électrification rurale et d'accès à l'énergie dans les zones sous-desservies au Cameroun (Perace) est un exemple.

Les centrales solaires! C'est la solution qui a été mise sur pied pour pallier ce problème d'électrification dans le Nord du pays. Selon Eneo, il s'agit d'une initiative gouvernementale financée par la Banque mondiale qui vise à réaliser les connexions au réseau électrique national  « sur la base du paiement d’une portion minimale du devis, le reste s’étalant sur plusieurs mensualités ». Le Perace, approuvé par le Conseil d'administration de la Banque mondiale en 2018, mais mis en œuvre depuis 2022, a pour objectif d'électrifier 687 localités dans six régions du Cameroun (Extrême-Nord, Nord, Adamaoua, Est, Sud-Ouest et Nord-Ouest). Les premiers résultats montrent que les objectifs initiaux ont été atteints en seulement 20 mois, avec 163 000 connexions au réseau électrique réalisées à la fin de juin 2024. « L’objectif est désormais d’atteindre le cap de 240 000 branchements à la fin du mois de juin 2025 », a annoncé Eneo.

De plus, afin de combler le manque d'infrastructures énergétiques dans la partie septentrionale, le gouvernement a décidé, dans le cadre des grands projets lancés dans le pays à partir de 2012, de construire le barrage de Bini à Warak (75 MW). Cependant, peu de temps après le début des travaux de cette infrastructure visant à résoudre le vieillissement et l'ensablement du réservoir du barrage de Lagdo (72 MW), des difficultés de financement ont émergé avec la banque partenaire chinoise. Dans cette région du Cameroun, le gouvernement, Eneo et la société norvégienne Scatec ont mis en place le premier projet d'énergie solaire d'envergure au Cameroun en attendant la reprise du projet. Les centrales solaires de Maroua (15 MW) et de Guider (15 MW) sont en cours de construction.

D'après un nouveau contrat signé le 5 juin 2024 entre Eneo et Release, filiale de Scatec, les capacités de production de ces deux infrastructures de production doivent être doublées dans les mois à venir. Grâce à un financement fourni par la filiale de la Banque mondiale spécialisée dans le financement du secteur privé, les nouveaux investissements devront stimuler la production et l'accès à l'électricité sur le RIN. Pour le grand bonheur des ménages, mais aussi des entreprises telles que la Société de développement du coton (Sodecoton), la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry),ou encore Cimencam.