Import-substitution: l'impact économique de l'interdiction de l'exportation des grumes au Cameroun.
Dernière mise à jours il y'a 7 moisEngagé dans sa politique d'import-substitution, le Cameroun comme ses pairs de la sous-région a opté pour une interdiction des exportations du bois sous forme de grumes. Une interdiction qui a des répercussions sur toute la chaine économique du pays.
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Selon les données révélées par l’Institut National de la Statistique (INS), dans son rapport sur le commerce extérieur du Cameroun en 2022, le pays a enregistré des exportations de 1,7 million de m3 de bois et autres ouvrages en bois au cours de cette année. Ces expéditions de bois et ses dérivés vers le marché international ont procuré aux exploitants forestiers des revenus estimés à 314 milliards de FCFA, en hausse de 7,8% en glissement annuel.
Dans ce volume des exportations, les grumes, qui sont des bois bruts, occupent plutôt une place résiduelle. À en croire le rapport de l’INS, seulement 746 m3 de grumes ont été exportés par le Cameroun au cours de l’année 2022. Ce qui a permis aux forestiers d’engranger un peu plus de 77 milliards de FCFA, soit moins de 25% de la valeur des exportations globales. En glissement annuel, révèle la même source, les expéditions des grumes du Cameroun vers le marché international ont d’ailleurs chuté de 22% en 2022, puisqu’elles se situent à 958,3 m3 en 2021, pour des revenus d’un montant de plus de 98 milliards de FCFA (les prix varient en fonction des essences exportées).
Le recul ainsi observé sur les exportations des grumes par les exploitants forestiers opérant au Cameroun peut s’expliquer par la décision du gouvernement de surtaxer ces produits, afin d’encourager notamment la 2e transformation. En effet, sur la période de 6 ans allant de 2017 à 2023, le gouvernement camerounais a procédé à une augmentation progressive du droit de sortie des grumes, passant d’un taux de 17,5% à 60%. Ces revalorisations successives, contenues dans les différentes lois des finances du pays, correspondent à une hausse globale de la taxation des exportations des grumes de 343% en valeur relative. Dans la loi de finances 2024, ce droit de sortie des grumes a été à nouveau revalorisé, passant de 60% à 75% de la valeur FOB de l’essence. Ce qui est de nature à décourager les exportateurs de grumes.
Après un premier report de janvier 2022 à janvier 2023, puis un 2e au 1er janvier 2028, les pays de la sous-région Afrique centrale entendent interdire « de façon absolue » l'exportation de bois non transformé, selon le texte officiel signé par le président du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), fin février 2024 à Bangui. Pour mémoire, en 1993, le Cameroun produisait environ 2,5 millions de m3 de grumes et en exportait pratiquement 1 million en l’état, c’est-à-dire transformait environ 60 % du bois sur place. En 1997, la production est estimée à 3,4 millions de m3 et 2 millions de m3 de grumes sont exportées. La proportion s’était donc inversée avec près de 60% des grumes exportées. Ce changement illustre notamment la nouvelle place de l’Afrique centrale dans le commerce international des bois tropicaux. Alors que jusqu’en 1993 les exportations de grumes du Cameroun étaient tournées principalement vers l’Europe et le Moyen-Orient, les pays asiatiques sont devenus des acheteurs réguliers et importants de grumes. D’où une hausse des prélèvements, due entièrement au bond en avant de l’exportation des bois bruts, les quantités transformées au Cameroun évoluant peu. De ce fait, l’objectif de la transformation locale à 100 % semble plus éloigné qu’en 1993, et le gouvernement craint une baisse sensible de ses rentrées financières, qui reposent à l’heure actuelle largement sur l’exportation des grumes. Les observateurs attendaient de voir comment le gouvernement allait résoudre cette équation délicate. Finalement, l’annonce de l’interdiction effective d’exportation des grumes, au 30 juin 1999, est assortie d’une dérogation pour l’ayous et le sapelli. Ces deux essences représentant 50 % des exportations de grumes du Cameroun en 1998; on voit bien que cette dérogation n’est pas anodine ! Elle a d’ailleurs déclenché un certain nombre de réactions courroucées de la part d’organisations de défense de l’environnement qui reprochent au gouvernement de trahir l’esprit de la loi 94/01 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts et de la faune et de laisser se perpétuer l’exportation des grumes. Or, il semble important de bien distinguer la forme et le fond de cette décision. Si l’exportation des grumes a mauvaise presse, c’est qu’on y voit une illustration d’une situation de sous-développement, où les pays du Sud livrent à bas prix leurs matières premières aux pays du Nord qui réaliseront les profits liés à la transformation. Ce jugement n’est pas sans fondements, mais il ne saurait suffire pour condamner le commerce des grumes qui contribue efficacement au maintien de l'économie du pays quoi que les exportations des dérivés soient tout autant importantes.
Les exportations des bois sciés (produits de la première transformation), pour lesquels les droits de sortie ont également augmenté de 165% entre 2016 et 2023, selon les estimations du Groupement de la filière bois du Cameroun (GFBC), occupent une place marginale par rapport au volume global. Le rapport de l’INS révèle que les exportations des bois sciés sont ressorties à 1 223 m3 sur un volume global de 1,7 million de m3 de bois et autres ouvrages en bois importés en 2022. En revanche, l’on observe d’importantes expéditions des placages (fruit d’une transformation plus poussée que de simples sciages) du Cameroun vers l’international. En 2022, 57 850 m3 ont ainsi été vendus sur le marché international, en hausse de 15% en glissement annuel. Ces produits ont rapporté aux forestiers 24,4 milliards de FCFA en 2022, après une enveloppe de 21,8 milliards de FCFA en 2021.
Les autorités et les spécialistes africains affirment que l'interdiction des exportations des bois en grumes est la levure essentielle pour le boom économique de l'Afrique.
Floyd Miles
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