Harouna Bako a été installé ce 9 février 2024 à la tête de la Société nationale de Raffinage (SONARA), la société publique camerounaise qui gère l'unique raffinerie de pétrole du pays. C'était au cours d'un conseil d'administration de la société qui s'est tenu dans le sud-ouest du pays. L'intéressé remplace à ce poste, Jean Paul Simo Djonou, en fonction depuis 2019. Après un court passage à la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), Harouna Bako devient donc le Directeur Général  de la Sonara, qui est actuellement en phase de reconstruction. «Cette nomination intervient dans un contexte où, le président de la République, son Excellence Paul Biya a instruit le Gouvernement de tout mettre en œuvre pour accélérer le processus de reconstruction de cette importante société qui est le gage de notre indépendance énergétique en matière d’approvisionnement en produits pétroliers », précise Gaston Eloundou Essomba , le ministre de l’eau et de l’énergie.

Le nouveau patron de la Sonara aura donc pour mission de poursuivre, voire de terminer, le processus de reconstruction de cette entreprise publique. En effet, cette entreprise étatique a du mal à se remettre de l'incendie qui s'est produit le 31 mai 2019 et a causé des dommages importants aux installations de l'entreprise, soit la perte de quatre unités sur sept en amont de la chaîne de production, en particulier l'unité principale de distillation. Depuis lors, le Cameroun est obligé d'importer tout le carburant utilisé sur son marché local.  Par ailleurs, la gestion de l'entreprise a été fortement affectée par cet incendie, en particulier au niveau de sa capacité à garantir sa solvabilité et sa liquidité vis-à-vis de ses partenaires commerciaux et de l'État. En fait, la SONARA à elle seule cumulait environ 80% de la dette extérieure de l’ensemble des entreprises publiques du pays.

Le défi du nouveau dirigeant est donc d'accélérer la réhabilitation de cette importante infrastructure pour restaurer l'indépendance énergétique du pays. Une tache, déjà entamée par le gouvernement. Dans le détail, pour respecter les termes de l'Accord conclu avec le FMI en 2021, le gouvernement a mis en place un plan de réhabilitation/reconstruction de la SONARA.   Le plan comprend la modernisation de la Société nationale de raffinage en redéfinissant le cadre juridique, institutionnel et de financement du partenariat public-privé. Il vise également à mobiliser 250 milliards de Fcfa pour réduire les pertes de la raffinerie de 45 % à 7 %. En plus de la reconstruction des unités détruites, il s'agira de moderniser et d'installer un hydrocraquer qui permettra de mieux raffiner les bruts lourds du Cameroun et de la sous-région, ainsi que de réduire les pertes induites par l'utilisation de l'ancienne infrastructure.

Le président de la République a ordonné une modification de la structure des prix des produits pétroliers après l'incendie. En vue de mobiliser les ressources nécessaires à la réhabilitation de cette entreprise stratégique, une nouvelle ligne de 47,88 FCFA/litre a été mise en place. Gaston Elondou Essomba a révélé au parlement en novembre dernier que près de 300 milliards de Fcfa ont été collectés à cet effet. « En ce qui concerne la ligne, 47,88 Fcfa/litre pour le soutien à la raffinerie, depuis la mise en place du nouveau mécanisme en mars 2020, un montant de 270 milliards Fcfa a déjà été reversé au 30 septembre 2023 dans les comptes de la Beac », a déclaré le membre du gouvernement à l’Assemblée nationale. En utilisant ces calculs, l'État a pu générer en moyenne 90 milliards de Fcfa par an et 6,5 à 7,5 milliards de Fcfa par mois. Il est important de noter que l'argent collecté grâce à ce fonds spécial devrait atteindre 780 milliards de Fcfa au bout de dix ans.

Selon l'observation, trois années après le début du mécanisme de réhabilitation de la Sonara, l'Etat a déjà récolté 34 % du montant prévu, ce qui représente un écart de 66 % à atteindre dans les sept années restants. Depuis mai 2022, le projet de réhabilitation/reconstruction de la raffinerie est en retard. Ainsi, conformément aux instructions de Gaston Eloudou Essomba, le nouveau DG devra prendre des mesures pour engager un partenaire technique pour la reconstruction de la Sonara.

De plus, depuis décembre dernier, la Sonara a été exclue de son activité principale d'importation de produits pétroliers. En effet, le 14 décembre dernier, Paul Biya a ordonné au Minee, par l'entremise du ministre d'Etat, secrétaire général de la présidence de la République, de libéraliser les importations des produits pétroliers. Ainsi, il est nécessaire de restaurer rapidement la capacité de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph) à superviser le processus d'octroi des quotas aux importateurs importants du secteur, en leur présentant les profils techniques et financiers qui leur permettront de procéder aux importations immédiatement. Harouna Bako, âgé de 61 ans, devra faire appel à sa vaste expérience pour assumer ses nouvelles fonctions.

Notons que dans cette mission ardue qui est désormais la sienne, le gouvernement l’y a déjà aidé puisque la dette de l’entreprise a été restructurée. En effet, le 15 octobre 2021, le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, a signé avec neuf banques locales, des conventions de restructuration d’une dette de 261,4 milliards de FCFA due par la Sonara. Cette dette est ainsi rééchelonnée sur une période de 10 ans, moyennant un taux d’intérêt hors taxes de 5,5% par an. Le même mécanisme est en cours avec la dette réclamée à la Sonara par les traders, qui est de 272,8 milliards de FCFA. À ce jour, des conventions de restructuration portant sur une dette de 237 milliards de FCFA ont déjà été signées avec les traders Vittol, PSTV, Trafigura et Mercuria Energy Trading.